[Précédent épisode : J0, de l'autoroute, une traversée agréable (pour la moto, le motard moins)]

Au menu du jour : débarquement, premiers tours de roues, lagon et nouilles chinoises.

Indices pour la journée =)
Indice de content au maximum
Indice de fatigue au minimum État de motivation au maximum État de la moto impeccable

La traversée est globalement calme. Deux jours et deux nuits, des nuits pas forcément terribles d'ailleurs. Car à six dans la cabine, chacun n'ayant pas forcément le même rythme de sommeil, t'ajoutes les va-et-viens pour les WC et les douches, le tout avec une porte façon saloon donc ajourée et la lumière du couloir allumée. Bref, les cernes se mettent en place pour ce voyage ! Ça tangue pas mal par moments, l'impression d'être complètement saoul en titubant dans les douches au 47ème pont inférieur. Mais comme tous les passagers, donc on se rassure tant bien que mal.

Oisiveté
Le Norrøna bat pavillon féroïen, car la compagnie n'est ni islandaise, ni danoise (du moins pas complètement)

3ème et dernière "journée" de traversée. Réveil en douceur à 06h par le haut-parleur de la cabine après une courte nuit où planait dans la cabine une douce ambiance odeur de bottes de motard, et où mon sommeil fut parfait méticuleusement entrecoupé de ronflements et de bruits de portes.

L'ambiance est étrangement sereine, mais on sent l'excitation présente. Chacun pack ses affaires, les gens se parlent moins entre eux : on sent qu'on arrive ! Et il est accessoirement 6h du mat. Je range mes affaires en espérant ne rien oublier (j'ai des mauvais souvenirs sur le sujet). Je met mes cartes sur la sacoche réservoir (car je fais le voyage sans GPS).

Bref, je suis tout prêt, habillé en full baroudeur depuis 06h du matin... et du coup j'ai grave chaud. Je regarde le programme de la journée. Quand tout à coup, annonce comme quoi l'accès aux ponts des véhicules est ouvert !

Retrouve ta caisse, et si t'arrives à y entrer t'as gagné le droit... bah d'attendre ton tour.

On détache les motos, on attache les bagages correctement. Parenthèse, pour sangler la moto au bateau (certaines sont d'ailleurs tombées dans la nuit), j'avais utilisé des sangles à moi, que j'hésitais un peu à prendre initialement. Ces sangles m'auront juste sorti de sacrés merdiers par la suite =)

Puis la porte s'ouvre ! De l'air frais entre sur le pont, les premiers véhicules démarrent : ça y est !! Chacun aide son voisin pour manœuvrer sa bécane en marche arrière, car on est tous au touche-touche et un peu comme des manchots avec une moto archi chargée à bouger à l'arrêt. Passage de la douane qui me donnera un joli sticker douanier, et enfin on roule !

Ah oui, j'ai établi un programme prévisionnel ("évidemment", diront ceux qui me connaissent bien), en calibrant des étapes histoire de caler les points ravitaillement essence (ya pas des stations partout), et points de chutes pour dormir : camping ou bivouacs envisagés. Il ne sera pas suivi à la lettre durant le voyage, en raison des nombreux imprévus, mais ça donne les grandes lignes, bien que j'aurai à m'adapter à la météo et aux aléas techniques.

Pour la nuit, j'ai prévu pour la première semaine (durant laquelle je serai seul) de tout faire en camping ou bivouac. Ensuite, avec mon père puis Edouard, nous alternerons 2-3 nuits en camping pour une nuit en auberge ou maison d'hôtes ou cottage. Ceci afin d'éviter trop de frais mais de nous permettre d'avoir une nuit confortable au sec, de pouvoir faire des lessives etc.

Mon père me rejoint dans 7 jours par le ferry suivant, ici-même. Je vais donc passer cette semaine plutôt dans l'est de l'île, où je ferai des distances journalières les plus importantes du séjour. L'avantage en étant seul, c'est que tu fais ce que tu veux, et ce que je voulais, c'était explorer. Ma méthode ? Je prends une carte détaillée, je regarde les routes et les chemins. Un chemin ne mène nul part ? Allons-y !

Ce genre de chemins !

On est donc à Seyðisfjörður, à l'est de l'île. Objectif du jour, aller voir le Jökulsárlón, ce fameux lagon glaciaire dans lequel un glacier (le Breiðamerkurjökull) se jette dans l'océan en se décomposant en des centaines de blocs de glace géants. C'est pas à côté, mais l'objectif du jour est aussi de rouler comme je veux, et ça c'est le pied. Pas de point de chute précis pour la nuit, mais ça sera dans les alentours.

Météo pas dégueu, paysage pas dégueu, moto pas dégueu... ça s'annonce bien !

Je quitte donc Seyðisfjörður par la seule route qui en part (la 93), qui monte sur le plateau depuis le fjord.

Petite parenthèse sur la numérotation des routes en Islande.

Les routes sont à 2, 3 voire 4 chiffres selon leur importance (et leur praticabilité), exception de la route 1 qui fait le tour de l'île. Le premier chiffre dépend du "cadran" où elle se trouve. Les 20 (ou 200) sont au sud-ouest, puis en remontant dans le sens horaire, on trouve les routes 30 puis les 40 autour de Reykjavík, les 50 à l'ouest, les 60 dans les fjords du nord-ouest, et ainsi de suite. Il est donc facile de se repérer sans GPS, la numérotation étant reprise sur les panneaux.

Les routes débutant par un F sont des routes de montagne, théoriquement réservées aux véhicules tout-terrain. Elles sont numérotées sur le même principe, souvent à 3 chiffres. Ce sont des pistes allant de "bon état, roulante" à "mais c'est quoi ce chemin défoncé bordel de ***** ?!", avec en option : passage à gué plus ou moins facile, boue, trous, cailloux qui roulent sous les roues de la moto etc.

Durant ce voyage, en roulant seul, l'air léger, je me suis souvent surpris à chanter (ou à insulter le vent, mais pas ce jour-ci). Ce qui ressortira le plus souvent est pour une raison que j'ignore, Ashes to Ashes de David Bowie. Ce sera donc le morceau de ce premier jour !

Les véhicules qui quittent le ferry se suivent plutôt lentement derrière un car. Je fais mon connard en doublant tout le monde, dont Pablo qui avec sa remorque et sa dizaine de motos ne peut pas doubler étant donné la pente et les lacets. Je me retrouve devant, personne devant moi.

Mon premier ressenti est un peu étrange. Je m'attendais à des paysages comme cela (et je n'avais encore rien vu pour ainsi dire), mais de me dire que je suis avec ma moto en Islande, en train de rouler tout seul, en me disant que ça y est, j'y suis pour 1 mois... c'est assez satisfaisant ! Bref, je suis content !

[93] Une route sympathique, dans un cadre...sympathique

Qui dit premiers tours de roues en mode #aventure dit petits ajustements techniques...

1h après le départ, tout est en ordre :

  • Les bagages sont bien rangés (j'ai même un peu de place libre !). On en reparlera d'ici quelques jours...
  • La caméra est fixée sous le feu avant (comme la photo ci-dessus). On en reparlera d'ici quelques heures de pistes...
  • La moto est propre, mes affaires de moto également. On en reparlera aussi d'ici quelques jours...
C'est bon, tout est en ordre. Pour l'instant.

Rapidement sur le plateau, je rejoins Egilsstaðir, charmante bourgade sans grand intérêt. On y trouve des stations services, un supermarché... et c'est à peu près tout. Si j'y passe sans y porter plus d'attention, c'est parce que je ne sais pas encore que je vais y passer, y repasser, m'y arrêter, y dormir, chercher un magasin de pièces détachées, rencontrer un club de motards. Entre autres.

[93] Descente sur Egilsstaðir

Je fais le plein de ma moto, et c'est parti direction Jökulsárlón donc. Non pas par la route principale, ça serait trop simple, mais je choisis de passer par la route 95 puis la piste 939. Je roule donc pépère, quand tout à coup...

[939] TADA !!! Ma première piste islandaise
Etant donné que mes expériences sur pistes se limitent à quelques chemins forestiers ou champêtres de Seine-et-Marne, j'appréhende un peu car la moto est diablement chargée.

Mais tout se passe bien, les pneus sont au top. Et en fait, c'est carrément le pied =) Pour être honnête, je roule sur des oeufs au départ. Les virages passent bien, les pneus n'ont que faire des cailloux qui jonchent la route. Puis j'accélère gentillement le rythme et trouve mon allure de croisière autour des 70-80 km/h. Je teste des freinages d'urgence : l'avant pompe pas mal, et l'absence d'ABS fait que je chasse un peu de l'arrière mais rien de (trop) incontrôlable ! Idem à l'accélération, ça agrippe bougrement bien, si tant est qu'il soit soit encore autorisé d'utiliser l'adverbe "bougrement" et l'expression "si tant est que".

[939] La piste, bien roulante, serpente à travers la montagne.
[939] Le tout dans un environnement franchement dégueulasse
Arrivé sur la route 1, le temps a changé.

Puis j’atteins le fameux Jökulsárlón. De manière générale lors de ce voyage, je m'attendais soit à être un peu "seul au monde", soit à avoir des hordes de touristes car l'Islande est à la mode. Ca serait être égoïste que d'être moi-même touriste et d'être touristophobe non ? Mais là...

M'en fout, je ne suis pas mélangé à cette foute : je fais trop bad-ass avec ma moto (ou pas), en laissant nonchalamment mon casque sur le rétro, avec ma tenue de ranger de l'espace avec un gilet airbag.

Et ouai !!

Mais fidèle à moi-même, cette vision ne fera que conforter mes pensées. Le fil rouge de ces 4 semaines sera plutôt d'aller voir au bout des chemins et routes en tout petit sur la carte, ceux en pointillés, qui ne mènent de préférence nul part. Je fuirai tant que faire se peut les "Top 10" et autres "Must see" publiés dans les guides et brochures touristiques. Bon sinon, ça ressemble à ça et je ne comprends pas pourquoi tout le monde vient ici [ironie, ndlr].

La météo brumeuse et à moitié pluvieuse donne au lieu une ambiance particulière, mêlant ces gros glaçons qui flottent, les oiseaux qui tournent en nombre dans les airs, et des bus de touristes par dizaines.

J'avais envisagé la possibilité de bivouaquer proche d'ici, mais le terrain me semble trop inhospitalier : le taux de selfie au m² dépasse l'entendement, et plus techniquement, le sol ne semble pas top pour planter une tente. Bref, Il est temps pour moi de partir. Ah oui, note pour plus tard : éviter de se garer le nez en avant dans une pente, fut-elle très légère, car pour sortir le veau en marche arrière, c'est clairement moins bad-ass.

Le va-et-vient de touristes se faisant vers Reykjavik (vers le sud), c'est tout naturellement que je repars à l'opposé, vers le nord, c'est à dire d'où je viens.

Concrètement sur la fin de journée :

  • Beaucoup de vent (en fait, j'en aurai pendant les 4 semaines sur l'île). Je roule penché comme pour tourner, mais pour aller tout droit. Les bourrasques font danser mon convoi de près de 380kg sur l'asphalte. Tout va bien ;)
  • Plutôt froid : ma tenue hivernale de motard fait le job, mais sans plus.
  • Une météo TRÈS changeante. Je suis parti du port, il faisait beau et plutôt bon. Puis en montant par la 93, la température a chuté autour des 8 degrés, puis il a plu, puis il y a eu du vent, puis plus de vent, puis du soleil... A peu près tous les temps en l'espace de quelques heures.
Tiens, cette route n'a l'air de mener nul part sinon un glacier. Allons-y !!

Premier soir en Islande au guidon de mon tracteur, la météo pas parfaite mais pas trop mauvaise non plus, la mer à ma droite, les montagnes à ma gauche, la liberté devant moi et Bowie dans les oreilles : je plane à 10000 ! L'objectif du jour (simple, il est vrai, mais le premier !) qui était de rouler sur des pistes et d'aller voir le glacier lagunaire est atteint !

Au détour d'un chemin, je trouve un camping auto-géré où il n'y a qu'un couple d'installé. Ca sera parfait pour la nuit malgré l'absence de douche ! Menu du soir : nouilles chinoises* pas trop dégueu, et dans le genre un peu plus dégueu, un espèce de sandwich au jambon et au Brie. Aller en Islande pour bouffer du Brie, je me dégoute.

Et oui, il me faudra quelques jours pour parvenir à des repas... mangeables on va dire. Mais on s'en bat les c, je suis trop content pour ne pas me rendre que ce que je mange est franchement infect =)

* Pour la petite histoire, le voyage sera rythmé, que dis-je, hanté (!) par les nouilles chinoises. C'est chimique et ça envoie pas du rêve, mais ça ne prend pas trop de place et ça blinde le ventre. J'avoue avec du recul que les repas où je n'ai eu que ça à manger sont plutôt dans les moments de dèche (du genre fermeture des magasins pas prévue).

J1 : 360km
Fin du J1 !

Prochain billet : 2ème et 3ème jours. Première piste de montagne, des glaciers et une petite dose de frayeurs.