[Précédent épisode : Des préparatifs casse-tête]

Je commence mal, je vous mens. Si J1 est le premier jour en Islande, alors J0 représente les 3 jours précédant la traversée, qui elle-même dure 3 jours. Bref, voici le récit des 6 jours précédant le premier.

Un assez long projet de voyage qui se concrétise !

Après quasiment un an de préparatifs, une nouvelle vieille moto et quelques dizaines de centaines d’euros plus tard, ça y est, c'est le départ ! À vrai dire, c'est plus stressant que magique, mais c'est l’alchimie des deux qui fait le côté excitant ! D'autant plus qu'il s'agit d'un départ en deux temps.

Si physiquement, je pars le 12 juillet de Paris, je passe un entretien d'embauche le 13 en Suisse, puis je vais passer le week-end avec des amis dans le coin avant de partir le 16. Bref, la tête est partout et nul part à la fois. Merci les listes de rappels pour être sûr d'avoir ce qu'il faut au bon moment, histoire de pas me pointer en motard baroudeur à l'entretien d’embauche et en chaussures de ville sur les pistes islandaises.

Après un week-end fort sympathique en bonne compagnie, le 16 au matin, départ de Villars-sur-Ollon, charmante petite bourgade du canton de Vaud en Suisse, plus précisément dans le Chablais Vaudois. Il est 11h30 (c'est encore le matin donc) quand mes roues s'ébranlent, avec moi et mon chargement.

Moto propre, chargement optimisé et bien positionné : pas de doute, on n'est pas encore partis !

Bern, Basel, Karlsruhe, Frankfurt par autoroute. Pas encore bien habitué aux us et coutumes locaux, notamment en gestion des équipements aux ravitaillements, je finis par m'adapter : tout laisser en vrac sur la moto et partir pisser l’esprit tranquille. Va falloir m’y faire car ça va être ça pendant 1 mois et demi =)

Le lendemain, départ 07h en prévision d'une journée alliant bonheur, joie et confort fessier : 850km d’autoroute à abattre. Le trajet la veille entre Villars-sur-Ollon et Francfort passe pour une balade bucolique à côté de ça. J’arrive à l’auberge après 13h30 de trajet. La maison est tenue par un nonagénaire un peu dur d'oreille qui ne parle que danois. Mais on se comprend (du moins je crois) et j'ai une clé de chambre, donc ça me va bien. Cette maison d'hôtes est un peu étrange : des pièces partout, 3 cuisines, un lit dans le salon complètement encombré de papiers, babioles accumulées pendant des années, des décos de Noël au plafond (honnêtement, je me suis dit sur le moment que si c'était mon lit, je partais dormir dans la tente ailleurs)... Et puis ça sent (grave) le rance.

Il me demande où je vais, je lui dis l'Islande, il me dit “ok, good !”. J'imagine qu'il lui en fallait bien plus pour égayer sa curiosité. Tant pis, peut-être les polonais de voisins de pallier arriveront à l'étonner un peu ? Départ le 18 pour Hirtshals, à 100km plus au nord. Le Norrøna lève l'ancre à 11h30, je dois m’enregistrer à 10h au plus tard. Je vise donc 09h là-bas, et décolle à 07h30 de ma charmante maison de retraite d'hôtes. Mon hôte me saluera par la fenêtre en agitant un petit drapeau français =)

Au fur et à mesure que les kilomètres qui me séparent de l'embarcadère diminuent, l'excitation et le stress (le bon !) augmentent ! J'ai tout de même une petite pensée à "et si la moto me lâche maintenant ? Je fais comment ? Mais non, elle roule, ya pas de raisons qu'elle me lâche". Ahahah, l'ignorant que j'étais alors... ! [Quel teasing, n'est-ce pas ?]

Quand tout à coup, le terminal et la mer apparaissent. Enfin non ils n’apparaissent pas à proprement parlé, c'est une façon imagée de dire que ça y est, je suis arrivé. Faut pas être pointilleux comme ça, c'est pénible. Bref, je fais la queue.

Je suis le seul aussi peu chargé, et je suis celui qui part le plus longtemps...

Dans tous les véhicules qui patientent (le ferry en embarque 800, rien que ça), je fais un petit tour. Je rencontre une famille d’Iserois, des camping-cars, des 4x4 de tailles variées, une polo,des camionettes, pickups, bus, camions, vélos, bref, tout ce qui roule. Et des motos = copains !! Il y a Bertrand (que je recroiserai sur le bateau à plusieurs reprises) qui vient de Millau sur sa KTM 1190, deux jeunes aveyronnais sur leurs enduro 250 (ils ont dû en chier pour venir jusqu'ici d'ailleurs !), un couple anglais sur une petite GS 800, un groupe de 8 Goldwing (WTF en Islande mais pourquoi pas, après tout la route circulaire est asphaltée tout le long, on a aussi le droit de vouloir se faire chier en Goldwing ;) ), un type en tour du monde depuis 3 ans sur sa KTM 1290 (170 000km, rien que ça). On a aussi dans le lot un guide espagnol qui organise un moto tour. Ses clients arrivent par avion, et il transporte donc 10 motos. Je le recroiserai durant la traversée, et apprendrai qu'il parle anglais, français, italien, espagnol. La vie n'est pas assez longue pour apprendre l'allemand, à son grand regret.

Sympa le look !
Pablo et ses motos
Partie Islandaise d'un tour du monde bien long (3 ans) !
Grrr

On patiente dans une ambiance bon enfant, on discute de nos bécanes, tout le monde est excité à l'idée de partir ! En tout, une quarantaine de motos toutes différentes mais qui ont tous un point en commun : ils ont tous plus d'équipement que moi. Donc je me demande évidemment ce que j'ai pu zapper, surtout que je suis le seul à rester aussi longtemps… On verra, ça fait partie de l’apprentissage qu'on me dit ! J'apprendrai plus tard que Bertrand a pris des pots de confiture pour ses petits déj, ce qui me rassure niveau encombrement supplémentaire de son côté. J’apprends aussi que son oreiller est une poche vide de cubi (ok, *note le conseil*). Chacun ses astuces hein. En revanche je suis le seul en Africa Twin aussi ancienne, et à avoir un pneu quasi neuf après 1500km d'autoroute, et ça c'est la classe.

Et des boîtes à roues aussi bizarres que variées

On embarque, les motos sont au fond, rangées au chausse pied. Je sangle la bête et je me change avant de partir chercher ma cabine.

Complet !

Je finis par trouver ma cabine, qui sera sous le pont des voitures, sous la ligne de flottaison.

Repos, calme, ambiance olfactive agréable : autant d'éléments absents de cette photo et des 2 nuits à bord.

À 6 dans un placard aveugle, ça promet ! La moto dormira je pense mieux que moi. Je retrouve Bertrand qui me raconte un précédent périple dans le Caucase pour rendre visite à sa belle famille. Je sens dans ce qu'il me raconte qu'il essaie de me transmettre ce qu'il a ressenti, vécu : ce petit détail apparemment insignifiant qui fait que CE café pris au bord d'une route en Tunisie avec un inconnu était un grand moment, ce Géorgien à moto, ces anglais en route pour le l'Asie… Des photos qui valent pour lui bien plus que les paysages pourtant magnifiques. Je le comprend. Comme il est difficile de partager ses ressentis, ses émotions en voyage. C'est pareil en Alpi, que c'est frustrant de ne pas avoir les mots pour décrire les étoiles qu'on a dans les yeux et ces frissons qu'on a dans tout son corps ! Toutes les photos et tous les écrits du monde ne suffiraient pas, il faut le vivre, c'est purement personnel. Je vais quand même essayer de partager tout ça, au travers de photos, vidéos et de descriptions, mais je ne garantis rien. Si vous ne ressentez rien, c'est que j'ai échoué. Mais comme disait un motard rencontré en plein océan Atlantique, qui retourne en Islande pour la 4eme fois, t'es obligé d'y retourner, tu verras ! Autrement dit, j'aurai sûrement d'autres essais ? =) Bon c'est pas tout ça, je file, ça tangue à mort mais y a happy hour au bar !

Ca y est, c'est parti pour l'aventure !! Si seulement je m'attendais au 10ème de ce que je vais rencontrer...

A suivre dans le prochain épisode : arrivée en terres Islandaises, première journée globalement conforme en termes d'attendus : des paysages magnifiques, une météo (très très) changeante, mes premières vraies pistes (je n'ai alors pas idée de ce qui m'attend pendant ces 4 semaines...), un camping calme et tranquille, des nouilles chinoises, des étoiles pleins les yeux et la banane sous le casque. Tout plein de points que je n'aurai pas pendant la totalité du séjour...!